Eglise Notre-Dame de Fatima

Brève présentation historique et artistique

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le patrimoine religieux doit être reconstruit, surtout dans le Nord de la France, région particulièrement touchée par les dommages de guerre. En plus de cela, la croissance démographique, l'exode rural et l'industrialisation favorisent la création de nouveau milieu urbain : les quartiers de périphérie. Pour ces quartiers, une vie sociale est entièrement à organiser. L'Eglise catholique cherche à avoir une place dans ce développement et sa présence se traduit par l'existence d'églises, maison d'accueil pour tous les chrétiens. Donc en plus des églises à reconstruire, les instances religieuses se voient investies de la mission de construire de nouvelles églises pour les nouveaux quartiers. La modernité de la vie de ces jeunes familles induit la modernité de l'architecture d'une part, et du culte d'autre part, ce qui se traduira par les réformes liturgiques.


Première pierre posée le 29 juin 1958 par le cardinal Liénart

Façade de l'église Notre-Dame de Fatima


Le quartier en lisière Sud de Lambersart, nommé " quartier du champ de courses " est un de ces nouveaux quartiers qui bénéficient de la création d'une paroisse accompagnée de son église. Dans un contexte de sécularisation, c'est au diocèse d'organiser, de financer les coûts engendrés et de décider des applications concrètes de la liturgie dans l'art et l'architecture. Les hautes instances de la hiérarchie catholique décident du programme général lié à la liturgie. La paroisse et le diocèse complètent avec un programme particulier qui précise les orientations à donner à l'architecture. Le diocèse de Lille est précurseur dans la création des nouvelles paroisses dans la mesure où il est un des premiers à inventer une organisation originale pour répondre aux besoins de construction.

frontispice du
Bulletin des chantiers du diocèse de Lille, n° 3

source : Archives Paroissiales


Le clocher en construction
source : Archives Paroissiales
L'association " Les chantiers du diocèse de Lille " va prendre en charge, sous la responsabilité du cardinal Liénart, l'ensemble de l'organisation. Elle est répartie en trois commissions qui sont constituées de clercs, mais aussi pour la première fois dans l'histoire de l'Eglise, de laïcs. Ils sont les plus compétents car ils ont une expérience de terrain dans différents domaines. La commission financière fera en sorte que le diocèse ait des prêts importants auprès des banques afin de redistribuer des prêts à 0 % aux paroisses pour bâtir des églises. La seconde commission, technique, dispense des conseils sur l'architecture et surveille l'adéquation avec le programme liturgique. Enfin, constituée essentiellement de journalistes, la commission publicitaire va permettre la diffusion des informations sur les constructions des chantiers du diocèse de Lille à travers des tracts, des journaux, des communiqués à la radio et à la télévision.



Construction des bas-côtés
source : Archives Paroissiales

En 1953, le quartier du champ de course est inauguré par l'office départemental des HLM. Il accueille entre autres des jeunes familles ouvrières ayant en moyenne trois enfants. Le 24 novembre 1957, à l'initiative de la paroisse Saint Sépulcre et de celle du cardinal Liénart en personne, l'abbé Vandenbulcke est nommé curé de la nouvelle paroisse. Il aura le souci de constituer une assemblée de chrétiens, une dynamique communautaire autour de la création de l'église et de la paroisse, selon les nouveaux préceptes privilégiant la relation sociale entre l'Eglise et les hommes.



Au centre, l'abbé Verheyde et à droite, l'abbé Vandenbulcke
lors de la bénédiction de l'église

source : Archives Paroissiales

L'office départemental des HLM cède une partie de terrain au diocèse, au centre du quartier, pour y placer l'église. L'architecte André Lys est associé au projet car il avait donné satisfaction pour l'église du Christ-Ressuscité de Ronchin, première église des chantiers du Diocèse. L'association des chantiers du diocèse organise aussi un concours pour compléter l'équipe d'André Lys, remporté par Luc Dupire. L'église doit être simple, moderne et doit s'intégrer dans la cité-jardin du quartier. La modernité doit être présente dans le choix des matériaux, des techniques de construction, des équipements et des lignes architecturales.
Le plan de l'église est rectangulaire pour que les fidèles soient tous tournés vers l'autel. L'église est large afin de permettre une bonne proximité entre les paroissiens et le prêtre. Depuis sa place, chacun des paroissiens doit pouvoir suivre facilement toutes les étapes de la célébration, en accord avec le renouveau liturgique. L'espace est unifié pour le regroupement de la communauté, symbole fort de prière collective. Pour une grande largeur, les architectes ont utilisé des matériaux modernes qui sont légers et solides : l'ossature de l'église est faite de béton armé pour les murs et de métal pour la charpente. Le remplissage est en brique polychrome parce qu'elle est caractéristique de la région, économique s'intègre avec les maisons environnantes construites de la même façon.




Vue générale de l'intérieur de l'église

La façade n'est pas plus haute qu'une maison, la largeur correspond à trois maisons, l'église est donc une " maison de Dieu ". Grâce à la modernité des matériaux, les architectes définissent la ligne et le style de l'architecture indépendamment de sa structure porteuse.

Toutes les formes sont possibles, André Lys et Luc Dupire dessinent une architecture particulière pour Notre-Dame de Fatima, une architecture qui donne à l'église une identité originale. L'église est faite de " lignes futuristes " , elle est " une conception hardie [qui] répond aux normes de l'art religieux moderne, et ne peut choquer en rien les tenants de l'art classique " En effet, l'église est basée sur des formes géométriques simples : la façade est un rectangle, le clocher est un triangle, les arcs surbaissés donnent la courbe qui équilibre harmonieusement les volumes. Le toit de l'église descend puis remonte vers le chœur pour donner de l'importance visuelle à l'autel.

Vue de l'arrière de l'église


Le clocher
De l'extérieur, la différence de hauteur marque une dynamique dans les lignes. A l'intérieur, le plafond en pin des Landes a la forme d'une large courbe convexe. A la modernité de l'architecture, s'ajoute la modernité du système de chauffage et de celui des " cloches ". Un mouvement mécanique produit un son identique à celui de vraies cloches, ensuite amplifié dans des haut-parleurs en forme de cloches. Cette solution est tout à fait novatrice pour l'époque, il s'agit d'une invention brevetée de Constant Martin. Même si la modernité est le mot d'ordre, certains aspects de la liturgie sont traditionnels et les architectes respectent certains rites symboliques. Ils créent un baptistère dans le narthex pour respecter la tradition du cheminement, du " pèlerinage " depuis le baptême jusqu'à la maison de Dieu, depuis l'entrée dans la communauté de Dieu jusqu'à la Jérusalem Céleste symbolisée par l'église.
Dans les débats concernant la liturgie, la lumière commence à revêtir une certaine importance. En effet, elle doit être organisée de manière à éclairer suffisamment l'autel pour attirer le regard, sans oublier d'entourer les fidèles d'une lumière douce et priante. Pour cela, à Notre-Dame de Fatima, des baies s'ouvrent régulièrement dans les murs de la nef et sont complétées par une rangée de vitraux juste en dessous du plafond. Cette " ligne de lumière " fait entrer une lumière diffuse et souligne l'architecture. Les vitraux abstraits du maître verrier Gabriel Loire de Chartres vont du bleu au rouge, de la couleur de la Vierge à la couleur de la passion du Christ.

Les vitraux de Gabriel Loire
Dans l'abstraction il y a des lignes conductrices qui mènent vers l'autel, comme la couleur symbolise la Vierge qui mène le fidèle vers son fils, de l'entrée vers le chœur. D'autres œuvres d'art présentes dans l'église Notre-Dame de Fatima sont parfaitement en accord avec les nouveautés liturgiques.

L'autel majeur
L'autel de granit portant des symboles paléochrétiens et l'encensoir portant le " pax " sont remarquables de simplicité et de pureté de ligne.
Le chemin de croix d'Edmond Guillain et Francis Laurenge
Station 5
Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa Croix;
Station 12
Jésus meurt sur la Croix;
Station 13
Jésus est descendu de la Croix et remis à sa Mère

Le chemin de croix, don de l'artiste Edmond Guillain et du céramiste Francis Laurenge, tire sa force expressive du dépouillement des lignes et d'une palette limitée à trois couleurs (bleu pour la Vierge, blanc pour le Christ et vert pour les autres personnages et les objets).

Vierge de Fatima d'Emile Morlaix
La Vierge en pierre, maintenant placée dans l'entrée, et le Christ en Croix sont des œuvres d'Emile Morlaix, prix de Rome. Ces sculptures expriment respectivement la douceur et la souffrance.

Le Christ en plaques de cuivre martelées est impressionnant car le corps est composé de formes cubiques, dures et rectilignes avec un trou béant pour le flanc gauche, tandis que son visage perturbé exprime la souffrance extrême.

Le Christ en croix d'Emile Morlaix
En grande partie coordonnés par les architectes, le mobilier et la décoration intérieure suivent les mêmes principes de simplicité des formes et de symbolique liturgique que l'architecture. L'église est en ce sens une œuvre d'art totale dans laquelle chaque élément est pensé pour correspondre à un esprit de modernité et de simplicité si cher aux paroissiens, au curé-fondateur et aux institutions liturgiques du diocèse. Les lignes pures de son profil et les couleurs de ses vitraux ornent avec justesse un espace communautaire de prière où la symbolique n'est pas oubliée. L'église est pour ces raisons toujours particulièrement appréciée par les paroissiens et l'abbé Vandenbulcke, qui en parle avec beaucoup de respect, se dit toujours " amoureux " de son église et de sa paroisse.
Texte et photos : Sophie Lemaire

 
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du 21 Décembre 2008
au 21 Février 2009
Exposition dans l'église
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